Influlences

Jorge Luis Borges m’a appris que la réalité de tout l’univers est composée non seulement de choses concrètes qui sont devant nos yeux, mais aussi de toutes les alternatives possibles dans le passé et dans le futur. Mikhaïl Boulgakov Afanassievitch m’a fait voir une possibilité magique de découvrir le sens des choses par la sensualité et de comprendre la réalité par la fiction.

Dante Alighieri m’a fait comprendre que la vérité d’une œuvre est surtout dans son fonctionnement interne et que seule l’œuvre dont l’architecture est une totalité unique et cohérente permet l’émergence du sens. Roland Barthes : m’a permis de saisir l’absolue subjectivité du geste photographique, située entre l’identité intime et l’appartenance à la collectivité.

Robert Frank m’a démontré à quel point l’image photographique n’est jamais une porteuse de la « vérité », mais plutôt commentaire sur la complexité de la réalité.

Et parce que reconnaître est aussi aimer sans pouvoir tout expliquer : il existe un cri d’âme solitaire dans la musique de John Cage, toujours si touchant, si évocateur pour moi. Et cette inondation de la douleur dans la couleur du soprano chez Heitor Villa-Lobos. Une trame architecturale de la lumière chez Bach et la picturalité du son chez Bartok et Stravinsky. Cet « éternel conflit du dessin et de la couleur » si troublant, si naturel dans tous les tableaux de Matisse et la prenante lucidité de l’inexprimable dans la pensée de Wittgenstein. La métaphysique de la simplicité par laquelle me frappe Josef Sudek et une étrange géométrie transcendantale du paysage par laquelle Giacomelli me stimule. Un silence bouillonnant dans les « Objets spécifiques » de Donald Judd, la splendeur du monolithique dans le travail de Robert Morris et cet inattendu poids d’immatérialité chez Robert Irwin. Ou encore, un fascinant engagement apolitique d’Alvarez Bravo et le caractère immédiat de la matière dans tous ce qu’a créé Mario Merz.